To be or not to bipolaire ?

 

Précaution oratoire : cet article n’évoque évidemment pas ceux qui souffrent réellement de maladies mentales mais les 99 % qui se déclarent bipolaires parce que c’est cool.

Les bipolaires, vous connaissez ? Autrefois, on appelait « lunatiques » ceux qui se distinguaient par leurs sautes d’humeur. C’est toujours le terme utilisé en anglais pour désigner un fou. Or, depuis 1990, le nombre de jeunes bipolaires en Occident aurait été multiplié par 40. Affolant, non ? Les mêmes qui annoncent l’imminence du grand châtiment climatique y voient, bien sûr, la preuve que nous vivons dans un monde qui rend fou parce que capitaliste et raciste. D’ailleurs, on n’observe pas la même augmentation dans les pays non-occidentaux, c’est bien normal, ils sont restés tellement plus proches de l’essentiel ! La rationalité, c’est l’Occident, donc la colonisation, le fascisme et la bombe atomique. Trop longtemps injustement dénigrée, la folie aère toute cette moisissure comme un drag queen dans une église. Sans nous attarder sur l’existence et la validité des chiffres en Chine, en Afrique, en Arabie Saoudite ou en Corée du Nord, voici un sujet qui n’a l’air de rien mais donne la mesure de la manipulation pudiquement nommée « le politiquement correct ».

Impossible, en effet, de passer à côté de la « bipolarité » : hier inconnus, ils sont maintenant partout et certains « artistes », tous américains, lui ont donné ses lettres de noblesse. Le dernier d’une longue série, Kanye West, a même réussi à relancer sa carrière en se déclarant bipolaire : le voici en route pour l’élection présidentielle américaine. Sans que personne n’y trouve à redire : un noir bipolaire, c’est une communauté doublement respectée, au même titre qu’un noir bisexuel. Tout est dans le « bi ». On a commencé par parler d’un monde bipolaire : affreux capitalisme, d’un côté, noble socialisme de l’autre. Et puis, ce sont les occidentaux qui sont devenus bipolaires. A partir de 1968, en effet, l’American Psychiatric Association, qui fait la loi dans ce domaine, a décidé de remplacer « maladie maniaco-dépressive » par « trouble bipolaire ».

La raison occidentale, cette insupportable offense au monde

De même qu’une incivilité effraie moins qu’un meurtre, bipolaire, c’est quand même un peu plus classe que maniaco-dépressif ! Fini de stigmatiser les fous, bienvenue dans le monde de ceux qui sont simplement différents. Et la différence enrichit, on nous le matraque assez. La preuve : les études montrent que les artistes sont plus souvent bipolaires que les autres. Et inversement. Succès garanti : personne ne voulait passer pour un malade mental mais chacun veut bien lancer son incroyable originalité à la face du monde. Offensés par l’affreuse normalité de l’Occident, ses meilleurs esprits ont un jour la révélation : ils sont bipolaires. Bien pratique pour excuser tout et n’importe quoi quand on n’a pas la chance d’être noir ou homosexuel ! Même les assassins djihadistes nous sont présentés comme des déséquilibrés mentaux : rien à voir avec l’Islam, c’est l’Occident qui rend fou, ils ne sont pas responsables, ce sont des bipolaires ! Bon, les journalistes sentent bien que qualifier les terroristes de bipolaires pourrait brouiller le message. Ils leur réservent donc le qualificatif de « déséquilibrés ». Mais l’esprit reste le même. Comme les sous-entendus.

« Je est un autre » mais tout le monde n’est pas Rimbaud

Quand on sait que l’Organisation mondiale de la santé évalue à 1 % la prévalence des maladies mentales dans la population mondiale, on peut s’étonner du nombre de gens qui se revendiquent bipolaires sur les réseaux asociaux*. A croire que le 1 % est concentré aux Etats-Unis et en Europe, comme le capitalisme et le racisme systémique ! Il est intéressant de noter que Freud renvoyait les symptômes aujourd’hui associés à la bipolarité vers le narcissisme. Dont la manifestation la plus moderne serait la manie du selfie et son imposition au monde, via instagram & cie. Être « malade », c’est pas cool pour un ado : mais être « troublée » par la vie, c’est presque romantique. Surtout si ce trouble est la preuve de son génie artistique : après tout, un artiste, ce n’est plus un artisan ringard qui travaille d’arrache-pied, c’est juste quelqu’un de différent dont le moindre vent a vocation à éclairer l’humanité. Comme Kanye West le résume parfaitement avec sa « créativité dévorante » : « je déteste être bipolaire, c’est génial ». Et cool donc.

Penser « autrement », un bon début pour gauchir son image

Aujourd’hui, on naît artiste, on ne le devient plus. Rien ne sert de travailler si on n’est pas au minimum bipolaire. L’art est désormais réservé à ceux qui pensent autrement (ou appartiennent à n’importe quelle autre minorité « opprimée »). Comment s’étonner que la moitié des artistes français soient tous « fils de » sans que personne ne cherche à couper les têtes de cette nouvelle « artistocratie » ? Tout ceci est finalement très cohérent. C’est d’ailleurs le même Michel Foucault qui s’est fait connaître par ses travaux sur la folie avant d’essaimer aux Etats-Unis cette haine de la normalité qui a finalement accouché de la théorie du genre et autres luttes inter-sectionnelles. En attendant, le nombre de bipolaires explose en même temps que celui des bavures policières : mais y voir un « gauchisme systémique » au service du capitalisme sans frontière relèverait, bien sûr, de la plus moisie des folies.  

* Ceci n’est pas une faute de frappe.


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