Mais dans quel mur fonçons-nous exactement ?



Je ne résiste pas à la nécessité de relayer un texte salutaire dont je ne suis pas l'auteur. Mes vifs remerciements à Samuel Fitoussi pour cette synthèse jubilatoire du grand inversement des valeurs. 

"La journée de Caroline, étudiante féministe

Lundi matin, 9 heures. Sans passer par la salle de bain (ce serait se plier aux conventions d’hygiène imposées aux femmes par le patriarcat), Caroline descend prendre son petit déjeuner vegan. Dans les escaliers, elle croise son père, mais refuse de lui adresser la parole : c’est un mâle blanc de plus de 50 ans.

En marchant vers le métro, Caroline repense avec nostalgie à son parcours. Après un Bac L, elle a fait une année de césure pour parcourir l’Asie en sac à dos (un bon moyen de transport), avant d’intégrer Tolbiac en Licence de Sociologie. Un bel accomplissement. 

Elle entre dans une rame de la ligne 6, un exemplaire du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir sous le bras. Elle n’en est qu’à la page 12 mais elle a compris le principe : on ne naît pas femme, on le devient, sauf si on choisit de devenir non-binaire. Dans le métro, même si « c’est très blanc, bonjour la diversité », aucun incident à signaler : pas de manspreadeurs, pas de frotteurs, pas de lecteurs de Zemmour ou de Finkielkraut. Elle est un peu déçue.

Son premier cours de la journée s’intitule « Inégalités : faut-il en finir avec le capitalisme ? Oui ». C’est passionnant : sur son Macbook, elle prend des notes à toutes vitesse. 

13 heures. Caroline déjeune au restaurant universitaire avec quelques ami.e.s. À table, on échange d’abord des bonnes nouvelles : le prochain Spider Man sera transgenre, et dans le prochain film de Spielberg, Charles de Gaulle sera incarné par une actrice noire. "Un vrai pas en avant". Son amie Catherine révèle ensuite le résultat de la dernière étude de l’asso féministe : dans les amphithéâtres, 58% des places au premier rang sont occupées par des hommes. L’humeur oscille alors entre joie et indignation (c’est surtout une joie de pouvoir être indigné). Caroline se le promet : elle fera de la lutte contre les inégalités spatiales dans les amphithéâtres son cheval de bataille.

Plus tard dans l’après-midi, Caroline aperçoit Paul, qu’elle n’a pas vu depuis la 4ème. Des souvenirs lui reviennent. Il y a 10 ans, à une boum, Paul avait dansé un slow avec elle et l’avait embrassée. C’était son premier baiser. A l’époque, elle s’en était réjouie car elle l’avait toujours trouvé plutôt mignon. Mais maintenant elle se le demande : était-elle vraiment consentante ? Doit-elle aller voir un psy ? Doit-elle porter plainte ? Doit-elle tout raconter sur Twitter ?

De retour chez elle, Caroline fait un tour sur Facebook. Elle partage une vidéo Brut qui explique chaque terme de l’acronyme "LGBTQQIP2SAA+", un article du Nouvel Obs "Pourquoi l’Islam est une religion profondément féministe", et une vidéo AJ+ qui démontre que le nouveau film de Tarantino est "problématique". Elle tombe ensuite sur un texte de La Gazette qui se fout d’une étudiante féministe. Comment, au 21ème siècle, peut-il être autorisé d’écrire de telles choses ? En plus c’est de l’appropriation culturelle car l’auteur, un mâle cisgenre, se met dans la tête d’une jeune femme. Elle signale le post et ferme son ordinateur, furieuse. De manière générale, Caroline pense que la lecture, il vaut mieux éviter, on peut tomber sur un écrivain pas de gauche.

Vers 21 heures, Caroline retrouve deux amies dans un bar à Châtelet. Malheureusement, le patriarcat se manifeste ; elle se fait aborder par un inconnu.
-Excuse-moi, je t’observe depuis tout à l’heure et je trouve que tu as un sourire magnifique, je peux t’offrir un verre ?
- Non mais tu as vu ta gueule gros porc machiste ? Allez dégage. 
Caroline est une femme forte, elle ne se laisse pas faire.

Plus tard, elle regrettera d’avoir réagi comme ça : elle n’aurait pas dû le traiter de gros porc, car c’est grossophobe, mais seulement de porc. 

À minuit, elle est au lit. Une grosse journée l’attend demain car avec d’autres élèves, elle a prévu de bloquer la Fac pour lutter contre la haine, c’est-à-dire pour lutter contre ces gros connards beaufs détestables de droite. Heureusement qu’il y a encore des gens comme elle, des gens qui ne restent pas les bras croisés face au fascisme (c’est-à-dire face à ce avec quoi ils sont en désaccord). Pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle aurait été résistante, ça, elle en est sûre."

Commentaires

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Qui fait l'ange fait le con

Sexomnie : enfin le coupable rêvé !

Faire des enfants ? Un crime contre l'humanité !